Réflexions sur les oeuvres de Lobanov

Capture_d_e_cran_2021-05-31_a_16-00-21.pnghttps://www.cairn.info/revue-empan-2011-2-page-51.htm
• À propos de l’œuvre d’Aleksander Pavlovitch Lobanov, de sa production et de son devenir
• Patricia Janody
• Dans Essaim 2009/2 (n° 23), pages 23 à 36

• Article
Alexandre Lobanov a construit son œuvre durant son très long séjour psychiatrique à Afonino, qui dure de 1947, alors qu’il est âgé de 23 ans, à sa mort en 2003. Cette œuvre, découverte et diffusée à partir de la fin des années 1990, a suscité en Europe occidentale un intérêt qui s’est étendu rapidement et ne s’est pas démenti. Elle fait de Lobanov une figure exemplaire de l’art brut contemporain, et nous souhaiterions ici lancer quelques questions à cette œuvre. Tout d’abord cheminer avec ses images, et suivre comment leur aspect proliférant et inventif s’intrique avec la contrainte d’ordre psychopathologique qui en guide la composition. Puis en déduire la question d’une place vide, certes recouverte par la prolifération des motifs mais néanmoins opérante, cette place vide inhérente à la psychose et qui oblige à la re-création d’un monde. Enfin retourner le regard sur les regardeurs de l’œuvre que nous sommes, interroger ce qui nous attire dans le style des images produites par Lobanov, ainsi que l’ambiguïté de notre position à cet égard.
Nous nous accompagnerons de références aux divers contributeurs de Aleksander Pavlovitch Lobanov, auteur d’art brut russe  [1], ouvrage réalisé à l’initiative de Dominique de Miscault, qui témoigne de l’impact de l’œuvre de Lobanov à travers les champs de la clinique et de l’art et qui s’est associé à son exposition monographique au musée d’Art brut de Lausanne en 2007.
Prolifération et contrainte
Comme chez nombre d’artistes d’art brut, les dessins et peintures de Lobanov sont remplis à ras bord, les motifs s’enchevêtrent et prolifèrent jusqu’au cadre, et colonisent encore le cadre lui-même. L’imbrication du motif et du cadre est une constante dans l’œuvre : les représentations de fusils, éléments récurrents du motif, prennent aussi fonction de tenir le cadre, et, inversement, le cadre apparaît jouer comme lieu de ré-apparition du motif. L’aspect rempli des dessins se double encore d’une utilisation biface des supports. Dans les premiers temps de sa production, ce procédé trouvait sans doute à se justifier par la nécessité d’user de toute surface à disposition. Ultérieurement, cependant, alors qu’il est mis à disposition de Lobanov autant de papier vierge qu’il le souhaite, celui-ci continue à remplir ses feuilles recto verso  [2]. Prolifération, donc, et de toutes les façons. L’œuvre n’en présente pas moins une forte cohérence, une homogénéité de style qui, à travers la variation des motifs présentés, laisse identifier aisément les productions de Lobanov. Commençons par le niveau le plus concret, celui de ses procédés d’artiste. Plusieurs contributeurs ont souligné leur régularité d’un tableau à l’autre. Lobanov commence en traçant son cadre, ensuite seulement, à l’intérieur du cadre, se lance à construire les images de son monde  [3]. Ses figures sont directement extraites de l’imagerie de son époque, celle qui a imprégné son enfance et celle qui continue à lui parvenir jusqu’à son lieu d’hospitalisation : revues populaires et diverses coupures de presse, affichettes de la propagande soviétique, catalogues d’armement, cartes postales… Il procède par gabarits : il découpe, décalque et recopie les éléments de son choix  [4] – et certains se laissent effectivement reconnaître d’un tableau à l’autre. Les figures sont ensuite coloriées (crayons de couleur), peintes (gouache ou aquarelle) et rehaussées (encre provenant de stylos à bille). Lobanov œuvre donc par reproduction. Mais aussi par détournement : il détourne ses figures de leur contexte d’origine et les remet en scène à sa façon. Sans négliger la dimension d’invention : ainsi les couvre-chefs délirants, les fusils composés, les inventions poétiques tels que la barque à proue de canard géant  [5]. Ses productions n’en apparaissent pas moins marquées par la contrainte. Les mêmes éléments réapparaissent sans cesse, repris presque à l’identique. Ses personnages notamment sont toujours représentés de face, de corps et de visage assez figés. On connaît ses trois grands thèmes de prédilection : les fusils, la nature et l’autoportrait. Il ne s’agit toutefois pas tant de la récurrence des thèmes que de la façon de les traiter. On perçoit une contrainte à repartir chaque fois de tel et tel élément de représentation acquis et à procéder par ajointements et répétitions. Ce registre de la contrainte renvoie clairement au contexte psychopathologique de l’élaboration de l’œuvre. Et dans le même temps, Lobanov fait preuve de la plus grande liberté d’expression. Sans doute l’attraction exercée par son œuvre tient-elle pour partie à l’entrelacement de ces deux registres. On n’assiste pas à une répétition fermée, mais à un travail continu de ré-interprétation et de re-création à partir de ces mêmes éléments qu’il reprend. Si bien que l’œuvre dégage, globalement, une impression de douceur : les teintes pastel des fonds, la richesse de l’ornementation, la composition soignée, la scansion des motifs de nature, arbres, animaux stylisés, des fusils de facture fantaisiste, etc.
Prenons l’exemple d’un des premiers dessins rencontrés par Dominique de Miscault à Iaroslav en 1999 (et qui a déclenché cet enchaînement d’intérêts divers autour de l’œuvre de Lobanov). Il représente deux hommes en buste l’un en dessous de l’autre, en tenue kaki, entourés de toute une série de cadres – neuf au total – dont chacun est composé de fusils diversement orientés, entremêlés à des guirlandes fleuries. L’ensemble est très orné, dans des teintes douces, à dominante de bleu et de mauve. Les deux hommes se ressemblent comme des jumeaux, et chacun d’entre eux tient à la verticale un fusil de chasse dont le canon est coupé à la pointe. Trois canards planent au-dessus d’eux, dont un est pourvu d’un nimbe. Ils sont joints par deux petits fusils supplémentaires, dont les crosses sont sculptées en forme de canard. L’une des caractéristiques de l’œuvre de Lobanov est l’omniprésence des fusils, selon une disposition imbriquant le motif et le cadre, mais aussi le suspens de la fonction de l’arme. Alain Bouillet  [6]relève seulement neuf occurrences, sur l’ensemble de l’œuvre, représentant un fusil en train de tirer. Dans tous les autres cas prolifèrent des armes dessinées, recomposées et ornées, mais comme séparées de leur finalité d’arme à feu. Et, plus largement, les dessins de Lobanov tendent à figurer les instruments détournés de leur fonction. Laurent Danchin  [7] note comment divers outils : scie egoïne, tenaille, pied à coulisse, clé à molette… sont volontiers substitués, dans l’ornementation des cadres, aux symboles politiques que sont la faucille et le marteau. Détournement de l’usage technique et détournement de l’usage symbolique, ces modalités imprègnent les compositions de Lobanov, sa manière singulière de les laisser flotter dans un suspens temporel. Cet effet de suspens, nous y reviendrons, vient en retour questionner notre position de regardeur de ces tableaux.
Cette première approche de l’œuvre nous mène déjà au-delà de l’aspect lisse, ou plat, ou de quelque façon unidimensionnel auquel sont encore parfois réduites les productions d’art brut. La seule description des compositions de Lobanov fait ressortir la pluralité d’aspects selon lesquels elle se présente : prolifération/contrainte/inventivité/suspens… Ces descriptions appellent maintenant à quelques inductions sur les constructions du peintre. Il s’agirait d’approcher sa liberté créatrice, en tant que celle-ci passe par le défilé des contraintes qui s’imposent à lui. Et ces contraintes ne sont assurément pas minces dans le cas de Lobanov, s’exerçant tout à la fois sur le plan historique et sur le plan psychopathologique.
Re-situons le contexte de la production de l’artiste. Lobanov est né en 1924 à Mologa. Dans les dossiers médicaux, rien de particulier n’est noté sur sa vie familiale. Vers l’âge de 4-5 ans, il est atteint d’une méningite qui le laisse sourd et muet. Des troubles psychiques (dont la mention reste vague) se manifestent également, avec une tendance à l’isolement qui l’empêche de s’intégrer à l’école des sourds-muets. Sa ville natale de Mologa appartient à la région de Rybinsk qui a été, dans les années 1930, l’un des fleurons du VPK, le complexe militaro-industriel soviétique. Les travaux étaient effectués par les détenus des goulags de la Volga, qui ont construit le barrage hydroélectrique de Rybinsk, et qui ont aussi défriché et préparé l’immense territoire qui devait être inondé par la mise en eau du barrage. De plus, nombre d’entre eux, du moins de ceux qui ont survécu, interdits de résidence dans les grandes villes, se sont ensuite installés sur place à l’issue de leur détention. De quel voisinage pouvait-il s’agir alors, entre les détenus et ceux qui avaient été leurs gardiens, ou plus simplement les témoins des violences qui leur étaient infligées ? Ce type de voisinage, en tous les cas, a contribué au cadre de l’enfance d’Alexandre. Dès 1937, les Lobanov font partie des populations déplacées à l’ouverture du barrage qui engloutit leur ville d’origine et se réfugient à Iaroslav. Alexandre avait travaillé quelques années comme ouvrier, mais en 1947 des crises violentes conduisent sa famille à le confier à l’hôpital psychiatrique de la ville. Il est rapidement transféré à Afonino, une annexe de l’hôpital psychiatrique de Iaroslav, située à une trentaine de kilomètres de la ville. Il s’agit d’un lieu ouvert, constitué par trois maisons de campagne et des jardins, où sont logés une centaine de patients stabilisés. Pour le peu que l’on sait de la vie de Lobanov, il ressort que la violence de ses comportements, passé les premières années de son hospitalisation, s’est apprivoisée à mesure qu’il s’est mis à dessiner, et que son œuvre s’est développée de 1960 à sa mort en 2003. Ses travaux étaient stockés dans deux valises qu’il glissait sous son lit.
À la charnière de son destin personnel et du destin collectif, on ne peut qu’être frappé par une coïncidence de date : 1947 est l’année où Mologa, sa ville natale, est complètement noyée sous les eaux du barrage de Rybinsk, nouvelle Atlantide dont n’émergeait plus que le bulbe d’une église ; et celle où l’aggravation des « troubles » d’Alexandre conduisent à son hospitalisation. Cette coïncidence de dates est relevée par Vladimir et Igor Gavrilov  [8] et Laurent Danchin  [9]. L’hypothèse qui en découle immédiatement est celle d’une éclosion psychotique occasionnée par cet engloutissement soudain de son lieu d’enfance. On dispose certes de peu d’éléments cliniques à ce propos, mais on peut considérer que l’œuvre elle-même porte témoignage de ce fracas psychique. Les contributeurs ayant une expérience clinique de la psychose s’y montrent attentifs. Guy Roux  [10] indique l’état de dépersonnalisation radicale que Lobanov doit traverser avant d’accéder à une nouvelle puissance imaginative dans le cadre d’une personnalité remaniée. Vladimir Chestakov  [11]note comment la percée de la créativité a été précédée d’un isolement croissant, d’un état de « grande solitude ». Il se réfère aux carnets de Lobanov, où celui-ci s’exerçait à recopier des termes nouvellement appris, et où il écrivait en cette période « je suis mort, c’est bien ». Andreï Azov  [12], de son côté, est sensible à la dimension de « paradis » attachée aux décors de Lobanov, qui cherche à inscrire dans ses cadres l’image d’un monde re-créé dans son état le plus harmonieux. D’une éventuelle activité délirante de Lobanov, nous ne savons rien. Mais on peut supposer que son œuvre comme telle a fonction de donner consistance à un néomonde, par-delà la déstructuration psychique qu’il lui a fallu traverser.
La question de la place vide
Revenons aux tableaux. La différence de perspective introduite par notre détour psychopathologique peut être considérée comme minime, ou comme décisive : minime, si l’on privilégie le fait que tout artiste se voue à créer un monde sur le support qu’il se choisit, la logique délirante ou non de ce monde important peu alors vis-à-vis de cette donnée première ; décisive, si l’on entend revenir sur le style de la construction de l’auteur. Ici vient se poser la question de la place vide. Toute la surface des tableaux est remplie, coloriée : si bien que de place vide, en apparence, il n’y en a pas. Cet effacement ne va pas sans faire question, du moins du point de vue du regardeur, et notamment s’il est clinicien. D’où vient à s’en déduire l’enjeu du côté du sujet psychotique : il s’agirait d’effacer le danger de la question même. Là où la question d’une place vide a aspiré, à un moment donné, tout ce qui pouvait tenir comme monde pour le sujet, on colmate par l’œuvre la puissance aspirante de la question. Non que cette question n’opère plus, mais elle opère, si l’on peut le formuler ainsi, dans les dessous. Elle est précisément ce qui ne saurait être localisé, ou de quelque façon représenté, dans l’espace des tableaux. Le style proliférant de l’œuvre joue à cet égard tout son rôle. De quel genre de prolifération s’agit-il en effet ? Il n’y va pas seulement de la quantité des motifs, mais de leur imbrication réciproque. Le dessin n’apparaît pas pouvoir s’appuyer sur quelque point d’origine qui pourrait s’évider comme tel, mais se génère par glissements, substitutions ou recombinaisons d’un élément à l’autre, d’une forme à une autre : ainsi les modèles de fusils se voient-ils sans cesse repris et recombinés, ainsi un portrait vient-il s’inscrire à la place d’un autre, etc. Le processus apparaît devoir être sans cesse reconduit et l’artiste voué à une tâche sans fin, pour ainsi dire sisyphéenne. Aussi la séparation entre l’artiste et son œuvre, moment toujours des plus délicats, confine-t-elle à l’impossibilité dans le cas d’une subjectivité psycho-tique. Azov rappelle comment Lobanov conservait ses dessins, tableaux et photos dans deux valises fermées à clef sous son lit, soit au plus près de son propre corps. Ce point s’illustre, de manière frappante, par le traitement de la signature, qui n’est jamais détachée de l’œuvre mais prise dans le décor, les lettres du nom à leur tour travaillées comme un motif. La contrainte à la métonymie apparaît s’exercer sans limite. De là, Lobanov apparaît doué de cette capacité, artistique, de transformer la contrainte en invention. Prenons quelques exemples de dessins : un bateau à proue de canard géant depuis lequel des tireurs visent des canards  [13] ; sur le chapeau fantaisie d’un grand tireur de canard se trouve un petit tireur, et sur le chapeau fantaisie d’un second grand tireur se trouve le canard lui-même  [14]. Ces images sont délicieusement poétiques. Les emboîtements auxquels elles obéissent n’en répondent pas moins d’un type spécifique de contrainte, c’est-à-dire d’avoir à neutraliser, selon les modalités combinatoires dont l’auteur dispose, la dangereuse question de la place vide.
L’inventivité concerne les formes proposées par l’œuvre, et elle concerne l’œuvre elle-même. Sur les thèmes délirants de Lobanov, on dispose seulement de quelques indices graphiques. On peut certes être tenté d’en inférer un texte délirant. Notons par exemple les interventions du personnage de Staline : les bifaces récurrents portraits de Staline/autoportraits, l’un et l’autre tenant une arme à feu ; un photomontage représentant Staline « branché » sur un appareil photo-écouteur énigmatique, assorti d’inscriptions a-syntaxiques, difficiles à traduire y compris pour un russophone. Au vu de ces images, Vladimir Gabrilov émet l’hypothèse de l’attente délirante chez Lobanov d’une reconnaissance de ses inventions en matière d’armes à feu auprès de Staline  [15]. Peut-être Gavrilov touche-t-il là un élément du délire de Lobanov, peut-être non. Il est sûr, quoi qu’il en soit, que sa hâte interprétative tranche dans la complexité et l’essentielle ambiguïté des images. Tout sens proposé apparaît valoir aussi bien en sens inverse. Ainsi les bifaces portraits de Staline-autoportraits se laissent-ils lire dans l’un ou l’autre sens : que le dictateur joue comme modèle et/ou adresse délirante pour Lobanov ; ou bien que Lobanov-démiurge re-crée la figure de Staline selon son style propre. Il faut bien voir que la composition des images déborde nécessairement les logiques textuelles, si bien qu’il apparaît plus judicieux de suspendre toute interprétation directe du délire depuis les images. Il s’agit plutôt d’envisager ce qui, à même la composition de l’image, témoigne de l’inventivité de l’auteur, voire de la nécessité où il est de re-créer un monde. Or un élément frappant des compositions réside dans le double axe de symétrie qui les parcourt. Il existe une évidente tendance à la symétrie des figures de part et d’autre d’un axe vertical dont l’exemple le plus flagrant est celui des figures gémellaires. Nombre de dessins apparaissent de surcroît traversés par un axe horizontal qui sépare « grandes » et « petites » figures, les « petites » se donnant comme des répliques des « grandes », qui en rejouent les scènes, souvent en sens inverse. Les couvre-chefs, fantastiques et composites  [16], qui font une des marques stylistiques de Lobanov, tiennent aussi cette fonction d’interface entre deux mondes : le « grand » et le « petit », ou « l’humain » et « l’animal ». D’une façon ou d’une autre, dans un sens ou un autre, les dessins de Lobanov créent des lignes d’interface, des plis de réversibilité, qui se laissent appréhender dans la logique de création qui est la sienne, c’est-à-dire d’une génération par report et duplication des figures. La force des images de Lobanov est de donner valeur concrète à ces plis, nécessaires à organiser son monde et néanmoins fragiles, pour autant que la prolifération du motif tend inévitablement à les attaquer. Ils sont donc toujours à re-créer, ce à quoi Lobanov s’emploie avec constance.
La séduction exercée par l’œuvre de Lobanov tient pour une part à cet effet de réversibilité, à cet aspect charmant, délicieux, des figures qui s’engendrent les unes les autres, renvoyant le spectateur à la fantaisie des mondes enfantins, ou, quoi qu’il en soit, à une période fantasmatiquement antérieure à la fixation du sens de la génération. Cet effet de séduction, patent, n’en repose pas moins sur une forme de malentendu. Ce qui, du côté du spectateur, résonne dans un registre de fantaisie et de liberté implique plutôt, du côté de l’artiste, un régime de contrainte. Il se peut que ce malentendu soit opérant pour toute production artistique : construction nécessaire du côté de l’artiste, effet de liberté du côté du regardeur. L’écart en question apparaît cependant plus crucial quand l’artiste est contraint par un processus psychotique. Le spectateur peut se laisser charmer par l’atmosphère naïve et enfantine qui se dégage des tableaux de Lobanov ; pour ce dernier, il s’agit plus vraisemblablement de repeupler d’urgence le vide menaçant du monde.
Si la plupart des productions de Lobanov apparaissent imprégnées d’éléments enfantins, quelques-unes font exception dont, fait notable, les deux dessins qui représentent un personnage à taille d’enfant. Le paradoxe est assez saisissant pour attirer le questionnement. Ces deux dessins tranchent sur le reste de l’œuvre, tant par le thème que par la manière. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, les canons sont généralement coupés, les armes ne tirent pas. Les fusils sont figurés comme motifs, comme attributs dé-finalisés des personnages, mais aussi ils soutiennent les cadres des tableaux, de même les formes, par exemple les roues de tel chariot, jusqu’aux lettres de la signature de Lobanov. Tandis que sur les deux dessins en question, le coup part. Lobanov y figure en taille d’enfant, debout, brandissant d’une main un fusil dont le coup part en direction d’un personnage féminin qui semble être sa mère, au côté de laquelle se tient un personnage masculin en blouse blanche. De l’autre main, il tire sur la nappe d’un guéridon, envoyant en l’air vaisselle et vase. La scène a lieu dans une pièce dont la porte, munie de lourdes serrures, est fermée. Dans le second dessin, de facture analogue, mais très peu coloré, le personnage visé est l’homme  [17]. Pas de trace de végétation naturelle, exceptionnellement, dans l’un ni l’autre dessin. La date d’exécution n’en est pas connue avec certitude. Ils prennent place, en tout cas, après 1960, durant le long séjour de Lobanov à Afonino. Or sur l’un des dessins est mentionnée la date de 1928, alors qu’il est né en 1924. Revient-il, par ces dessins, sur quelque scène survenue alors qu’il avait 4 ans – le choc de sa maladie, par exemple ? Nous ne savons pas. On peut être tenté, bien sûr, par toutes sortes d’hypothèses. Vladimir Gabrilov avance celle du ressentiment violent de Lobanov envers sa mère pour l’avoir interné. Une telle scène peut certes prêter à de nombreuses projections interprétatives, notamment des combinaisons d’apparence œdipienne entre pôle maternel et pôle paternel. Soulignons à nouveau qu’un tel procédé écrase l’écart entre registre de l’image et logique des signifiés. Nous ne savons en fait rien des articulations de signifiés auxquels renverrait une telle combinaison imagée, nous pouvons juste nous abstenir d’une inférence indue entre ces deux registres. Ce que nous pouvons affirmer, en revanche, est le statut singulier de ces dessins par rapport au reste de l’œuvre. Car si les bois, les prairies et les cours d’eau apparaissent comme des lieux investis à travers la globalité de l’œuvre, ces deux dessins font allusion à deux lieux qui ne sont repris nulle part ailleurs : l’enfance (via la mère), et l’hôpital psychiatrique (via le personnage en blouse blanche). De surcroît, le style d’exécution de ces dessins ré-ouvre la question de la place vide. Absence de place vide représentée, notions-nous précédemment. Il en va toutefois différemment sur ces deux dessins remarquablement sobres. Les trois personnages et la table prennent pied sur un plancher dénué d’autre motif, et sur le fond duquel s’ouvre l’embrasure vide d’une porte. L’espace de la porte, désencombré des éléments-fantaisie qui s’enchâssent les uns les autres dans la plupart des dessins, nous saute soudain aux yeux. Une place vide semble donc ici apparaître. Il est toutefois frappant qu’elle ne corresponde pas à un lieu défini, mais plutôt à un entre-deux lieux, celui de l’enfance et celui de l’hôpital psychiatrique. Deux lieux exclus habituellement des représentations de Lobanov : de l’enfantin, oui, à foison, mais l’enfance propre reste en creux ; de même se marque un hiatus entre les multiples images de la campagne environnant le lieu de résidence psychiatrique et la non-évocation de ce lieu lui-même.
Lieu d’enfance et lieu psychiatrique ne présentent pas d’affinité immédiatement évidente. Et pourtant tout se passe comme si ces deux lieux, non directement représentables, venaient dans le dessin à s’étayer l’un par l’autre. Prenons le lieu psychiatrique qui joue un rôle décisif et dans l’histoire et dans la production de Lobanov. Passé une première période d’enfermement, il trouve à Afonino un lieu ouvert et suffisamment pacifiant pour qu’il puisse donner naissance à sa production graphique. Sans doute l’hôpital psychiatrique lui demeure-t-il tout à la fois inacceptable et irreprésentable. Mais, par là même, ne fournit-il pas une manière d’écran, ou de support, pour la part d’irreprésentable qui le travaille en sa folie ? Lieu de relégation, certainement, et lieu de séjour néanmoins. Entre l’engloutissement de son lieu natal, en 1947, année de son effondrement psychotique, et la construction de son œuvre, il a bien fallu que Lobanov trouve quelque lieu substitutif à partir duquel deviennent seulement possibles des actes tels que peindre ou dessiner. Pour lui comme pour quelques autres, ce lieu se trouve en l’hôpital psychiatrique, qui ne saurait certes se substituer au lieu fondamental qui fait défaut, mais qui apparaît se substituer, en quelque façon, à l’irreprésentable perte de ce lieu. Hôpital ou pas, Lobanov est séparé de son enfance par la faille psychotique qui s’est ouverte en lui. Reste que l’hôpital recueille, pour lui qui n’a pas trouvé d’ancrage dans sa propre enfance, sa tentative de recréer un monde plastique proliférant d’éléments enfantins.
La corrélation est frappante. Dans la quasi-totalité des dessins, où la prolifération du motif comble l’espace de la feuille, les fusils restent sans tirer. Ils sont inclus dans le motif comme un attribut pour ainsi dire inséparable des personnages, masculins ou féminins, mais le canon est le plus souvent coupé et le coup ne part pas. Or ces deux dessins-là, marqués par le départ du coup de feu, laissent apparaître la question de la place vide.
Le fusil qui tire y fait sans doute plus que tuer tel ou tel. Il vide, justement, le lieu. Arme radicale, si l’on veut, qui renvoie à la déflagration psychotique inaugurale, quand tout lieu psychique possible apparaît s’effondrer. Un tel fracas n’est pas chronologiquement assignable : il cause certainement l’hospitalisation de 1947, mais il se répercute aussi en amont jusqu’aux scènes infantiles qui avaient pu se constituer. On conçoit alors le rôle déterminant du fusil dans la construction de l’œuvre, en tant justement qu’il est détourné de sa fonction première. Et il participe du cadre : d’arme, il devient armature, soutenant par sa prolifération le décor et le tableau tout entier. Si bien qu’on peut suivre ainsi l’interrelation du fusil et de l’œuvre : à mesure que le fusil perd en puissance de déflagration, il gagne en potentialité instrumentale. Cette remarque peut contribuer à situer la valence sexuelle qui, du point de vue du regardeur, s’attache inévitablement au coup de feu. Les ressources de liaison psychique inhérentes à la sexuation subjective sombrent dans le fracas psychotique. Demeure cette capacité au détour et au détournement dont fait preuve Lobanov, qui invente, via son usage singulier des fusils, un nouveau type de liaison du monde et au monde.
Séduction des images et escamotage des lieux de la folie
Ce qu’on cherche à déduire ici à propos d’une place vide sous-jacente aux constructions de Lobanov questionne aussi notre position de spectateur, ou d’amateur, de ces dessins. L’œuvre de Lobanov est aujourd’hui reçue comme un des emblèmes de l’art brut. Le charme qu’elle dégage, sa cohérence, ses qualités plastiques, forment autant d’arguments en sa faveur qui cependant ne rendent pas totalement compte de la séduction qu’elle exerce. Il n’apparaît pas inutile d’interroger ce que notre intérêt pour Lobanov doit au statut de ses images. Pour nous qui appartenons à un monde submergé par l’image virtuelle, l’art dit « brut » ne vient-il pas offrir une réserve inespérée d’images réelles ? Cette distinction nous renvoie à notre longue tradition de l’image. L’image n’est qu’image, et l’image est plus qu’image. C’est, inévitablement, dans cette tension que nous entretenons le rapport avec les images de tous ordres qui tapissent notre monde. L’image s’appréhende dans le règne du virtuel, et de quelque façon cependant elle indique, elle fait trace d’un réel qui l’outrepasse  [18]. Rappelons que la trace de ce réel s’effectue selon trois modalités essentielles dans notre culture : funéraire ; amoureuse/artistique ; religieuse. Les plus anciennes images retrouvées (crâne de Jéricho, 7000 av. J.-C.) sont liées au culte des morts, soit à la recherche de divers médiums par lesquels on peut figurer le corps d’un défunt, en sorte de maintenir ses échanges symboliques avec la communauté des vivants. Sur un second registre, la légende corinthienne, selon Pline l’Ancien, rapporte que la toute première image serait due à une jeune fille traçant sur un mur les contours de l’ombre de son bien-aimé qui dort et qui va partir à la guerre. La tradition religieuse, enfin, promeut des images réputées acheiropoïétiques (non faites de main d’homme), dont l’exemple princeps est la Véronique de Saint-Pierre de Rome, linge sur lequel se serait directement imprimée la face du Christ, et dont le culte est développé à partir du XIIIe siècle  [19]. De nos jours, toutefois, de telles accroches ne jouent plus guère en termes de croyance collective, tandis que s’accélère assez nettement la spirale du virtuel. Pour autant, une attente quant à une accroche réelle de l’image ne cesse pas d’avoir cours, sous des aspects sans doute moins explicites. L’intérêt en extension porté à l’art brut peut en être considéré comme un signe. Il se pourrait bien que cet intérêt vienne comme une modalité – relais pour la recherche d’un réel de l’image. L’accroche de l’image n’y est plus alors tributaire du divin, mais de la folie – ou, plus précisément, de la restitution d’un réel sous-jacent à l’image, celui de la « place vide » qui oblige l’artiste psychotique à composer son image.
Dans le cas de Lobanov, ce renvoi est encore accentué. Son travail de l’image, en sus des renvois à l’iconographie politique de la période stalinienne, se tisse en effet avec la tradition russe de l’icône. Gérard Sendrey  [20] témoigne de l’évolution en deux temps de son regard sur Lobanov : réceptif, tout d’abord, aux résonances de l’odyssée prolétarienne, il lui devient évident, dans un second temps, que les compositions thématiques de Lobanov prennent leurs racines dans l’icône qui, à l’époque de son enfance, appartenait encore à part entière à la culture populaire. La tradition de l’icône visait, à travers certaines scénographies du visible, à convoquer une réalité inapparente et transcendante, par où elle se distinguait de l’idole qui prétendait incarner une telle réalité  [21]. Dans la manière dont Lobanov présente et cerne certains de ses motifs, on retrouve effectivement une atmosphère évoquant celle des icônes, avec leurs nimbes d’argent et leurs broderies somptueuses, qu’on allait vénérer lors des pèlerinages populaires. On y retrouve surtout, indépendamment de toute thématique religieuse, une dimension sacralisante de l’image. Les sujets de Lobanov, résume Gérard Sendrey, fonctionnent comme des icônes laïques qui sacralisent le réel du moment.
L’un des traits dans les compositions de Lobanov rejoint à cet égard celle des icônes : leur effet de suspens temporel. On le relevait à propos des fusils qui ne tirent pas, des instruments détournés de leur fonction, et en général de la gestuelle interrompue par laquelle sont figurés les personnages de Lobanov. Les scènes se donnent dans le tableau selon un segment temporel qui ne passe pas, un instant si l’on veut, mais voué à s’éterniser. Monde pacifié du bout des temps, d’où toute perturbation événementielle est exclue. Et cette eschatologie, pour personnelle et délirante qu’elle soit, n’est pas sans résonner avec la figure des saints, délivrés des tourments du temps, qui habitent les icônes. Le suspens temporel où se développent les compositions fait trace d’un temps antécédent, déflagration psychotique ou manifestation divine, qui fait source et commande l’image. Les registres ne sont certes pas comparables pour qui embrasserait un point de vue religieux. Ils le deviennent cependant du simple point de vue de la tradition de l’image, où il s’agit, par une voie ou par une autre, de donner forme et présence à ce qui résulte d’une absence. Hors toute croyance, la valeur de sacralité des images agit sur le fond de l’absence qu’elles indiquent, et, dans le cas de Lobanov, via cette place vide de la psychose qui pousse à la re-création d’un monde en suspens.
Le statut de telles images implique aussi le rapport particulier qu’elles entretiennent avec les lieux de leur production. Les différentes modalités des images réelles, au sens de la tradition, s’originent en des lieux de célébration spécifiques. Et le lien apparaît s’exercer aussi bien selon la réciproque : l’image contribue à délimiter le lieu, à fixer la trace de l’amant, du mort ou du dieu qui l’avait traversé. Envisageant la folie comme une source-relais pour des images réelles, on ne peut qu’être frappé par une solidarité de même type entre des lieux psychiatriques et des moments de création d’art psychopathologique. Il est bien entendu que la fécondité d’artistes fous est aussi ancienne que la notion d’art en général, mais il s’avère que la particularisation d’un art psychopathologique va de pair avec l’histoire de la psychiatrie. On peut dater cette émergence au début du XXe siècle, soit lorsque la légitimation du lieu psychiatrique se trouve fortement mise en question. Il est utile, à cet égard, de distinguer les processus d’institutionnalisation de la psychiatrie, s’inscrivant à une période donnée dans un tissu social donné, des processus qui la questionnent comme lieu, survenant ultérieurement lorsque les duplicités de sa fonction ne se laissent plus garantir dans l’évidence d’un ordre social. L’hôpital psychiatrique a-t-il pour vocation de recueillir le message singulier de la folie, ou au contraire de neutraliser son ferment contestataire relativement aux normes sociales ? La question, qui n’a pas fini de retentir, fait apparaître le lieu dans la fragilité de ses assises. Et tout à la fois, menaçant de le faire disparaître, la question fait apparaître le lieu comme tel, en l’extrayant de toute apparence d’évidence sociale. Qu’il puisse fournir un support pour une production artistique spécifique prend alors tout son sens : le lieu garantit le minimum de fond pour que tel sujet, abîmé dans sa folie, trouve néanmoins à produire quelque image ; et ces images, en retour, contribuent à garantir la fonction du lieu. Le ressort est double : impulsion subjective de l’artiste qui esquisse un nouveau monde depuis sa dévastation intérieure ; potentialité du lieu à fournir un cadre pour l’incarnation de l’image. La question subjective de la place vide dont ces images sont porteuses prend son statut en se redoublant de la question collective du lieu psychiatrique qui l’héberge  [22].
La solidarité entre lieu et image relève d’une logique collective. Il en va de même lorsque ces images, promues sur le plan esthétique, sont coupées de leur lieu de production et mises en circulation dans des lieux affectés exprès à leur contemplation : galeries ou musées, en appelant à des supports matériels ou virtuels. C’est le cas pour les objets d’art traditionnel comme pour les productions d’art brut. Voyons ce qu’il en advient pour l’œuvre de Lobanov. Ses images naissent dans un lieu donné : le centre psychiatrique d’Afonino, où elles sont conservées dans le seul espace personnel dont il dispose, à savoir, au plus près de son corps, deux valises stockées sous son lit. Puis intervient la mise en valeur de ses productions au titre d’art brut, et leur exposition dans les lieux afférents. Dans le cas de Lobanov, cet effet de circulation des œuvres est encore renforcé par le contexte historique. Succédant au mouvement révolutionnaire initial prêt à puiser dans les diverses ressources de l’art, le totalitarisme soviétique exclut dans la violence toute recherche débordant les grilles de l’art officiel. La libéralisation du régime dans les années 1980-1990 autorise plus de liberté créative, ainsi qu’un retour sur quelques rares œuvres élaborées dans une solitude si radicale qu’elles ont échappé à la répression stalinienne : ainsi l’œuvre de Lobanov  [23]. Se trouvant exposé en Europe occidentale, l’effet de rupture d’avec le lieu initial est d’autant plus frappant qu’il s’accompagne de ces traversées de l’histoire et des territoires. L’attraction qu’elle exerce s’accroît à proportion ; il n’empêche que cette mise en circulation des images, typique de notre société, demande à être questionnée dans ses incidences. Qu’en résulte-t-il quant à notre investissement (collectivement parlant) de ces œuvres ? Une dose non négligeable d’ambiguïté, peut-on déjà suggérer. L’exposition rend hommage au travail de l’artiste capable, depuis son triple exil, de la surdité, de la folie et de l’asile, de ré-importer dans notre culture la dimension de l’image réelle, sans doute. Mais aussi bien, en se substituant au lieu psychiatrique d’où l’œuvre s’est construite, le lieu d’exposition tend inévitablement à neutraliser celui-ci. Voilà qui n’est pas rien dans le cas de la psychiatrie soviétique, délégitimée et dévoyée par le totalitarisme – et où néanmoins s’avère avoir survécu une part de sa fonction, aussi ténue soit-elle, permettant l’expression d’une œuvre telle que celle de Lobanov. Effacer le lieu de production de l’œuvre n’efface pas seulement la question liée au lieu, mais ce que le statut d’image réelle lui doit. L’impact de telles images, pour lesquelles on peut ré-emprunter le terme acheiropoïétiques, est lié à ce que leur auteur n’en tient pas le processus à sa main, mais que leur production est tributaire d’une altérité, altérité en l’occurrence représentée par la fonction psychiatrique, y compris dans ses contradictions. La circulation des images appartient certes à la logique de notre société, au point qu’on ne saurait guère imaginer, ni sans doute vouloir, y habiter abstraction faite de cette fluidité et de cette liberté-là. La tentation corrélative en est bien sûr de niveler les différents types d’images, soit, pour notre propos, la troublante singularité d’une œuvre d’art psychopathologique. La tentation, autrement dit, est de promouvoir les images de la folie tout en limant les lieux de la folie, et dans leur source subjective et dans leur source collective. Parlons seulement de tentation tant qu’il s’agit des circuits d’exposition. Un pas supplémentaire s’accomplit toutefois très aisément, laissant glisser l’œuvre des circuits d’expositions aux circuits marchands. Compter ces images sous les lois dites du « marché de l’art » revient alors, sans équivoque ni réversibilité, à annuler la part d’utopie dont elles sont porteuses, soit à réintégrer ces images, échappées d’un régime totalitaire, dans une forme seconde de logique totalitaire.
Notes
• [1]
Aleksander Pavlovitch Lobanov, auteur d’art brut russe, Paris, éditions Aquilon, 2007. Cf. à propos de l’œuvre de Lobanov, le site de la collection de l’Art brut de Lausanne : http :// www. artbrut. ch/
• [2]
Sur le fréquent usage recto verso des supports chez les artistes d’art brut, cf. G. Roux, « Les dessins réversibles », dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [3]
A. Azov, « La création du Golem », dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [4]
L. Peiry, « La recherche de l’identité perdue », op. cit., le compare sur ce point à Henry Danger, autre figure de l’art brut.
• [5]
L. Danchin, dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [6]
A. Bouillet, « Mutité de l’éclat ou la sonorité tue du verrouilleur de culasse », dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [7]
L. Danchin, « Un naïf aux frontières de l’art brut », op. cit.
• [8]
V. et I. Gavrilov, « Les lois de l’existence », dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [9]
L. Danchin, op. cit.
• [10]
G. Roux, dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [11]
V. Chestakov, « Métamorphoses », dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [12]
A. Azov, op. cit.
• [13]
A. P. Lobanov, op. cit., ill. p. 27.
• [14]
A. P. Lobanov, op. cit., ill. p. 43, 47, 93.
• [15]
V. Gavrilov, « Photos-icônes », dans A. P. Lobanov, op. cit.
• [16]
A. P. Lobanov, op. cit., ill. p. 66 : deux chasseurs à ailes de canards pourvus de couvre-chefs à baïonnette ; ill. p. 91 : chasseur de canard pourvu d’un couvre-chef à canard.
• [17]
A. P. Lobanov, op. cit., ill. p. 90.
• [18]
H. Belting, Anthropologie des images, Paris, Gallimard, 2004.
• [19]
J.-C. Schmitt, Le corps des images, Paris, Gallimard, 2002.
• [20]
G. Sendrey, « Les icônes laïques », Aleksander Pavlovitch Lobanov, auteur d’art brut russe, op. cit.
• [21]
P. Sers, Icônes et saintes images, Paris, Les Belles Lettres, 2002.
• [22]
P. Janody, « Où va l’hôpital psychiatrique », Essaim n° 19, Toulouse, érès, 2007. « Qu’est-ce qui se perd en psychiatrie ? », Essaim n° 20, Toulouse, érès, 2008.
• [23]
Ksenia Gorgiana BogemskaÏa, « Les outsiders en Russie », Aleksander Pavlovitch Lobanov, auteur d’art brut russe, op. cit.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/ess.023.0023

Article de M. Onfray sur Marx et Engels
Article de M. Onfray sur Marx et Engels

Précisions au bout de presque 19 ans à propos de La découverte elle-même
L’Oblast de Iaroslavl, creuset du génial Alexandre Pavlovitch Lobanov
C’est donc dans cette période d’ouverture et de télescopage, 1992 à 2000 où tout était permis, aussi bien en Russie que dans ma trajectoire personnelle, dans la plus grande confusion des institutions post soviétiques quasi détruites où se superposaient et s’accumulaient les malentendus entre l’Est et l’Ouest que s’inscrit la découverte d’Alexandre Pavlovitch Lobanov. Confusion qui facilita, aussi, l’infiltration de nombreux aventuriers plus proches par leurs comportements des prédateurs qui s’engouffrèrent dans la brèche sans tenir compte de la réalité post soviétique assise sur un passé douloureux mais non sans fondements.

Alexander Pavlovitch Lobanov reste et demeure une authentique figure d’Art Brut, la dernière très grande découverte mondiale à ce jour puisqu’elle est non seulement porteuse des symboles de l’URSS mais surtout elle révèle la liberté insensée de la maladie mentale au sein d’un univers qui peut apparaître comme le pire des enfermements ; notre héros, a néanmoins échappé à la torture physique. En 1924, Alexandre Lobanov nait à Mologa, petite ville de 10 000 habitants, à moins de 100 km au Nord-Ouest de Iaroslavl, qui sera progressivement engloutie, à partir de 1940 par la mise en eau du barrage de Rybinsk. Ce lac avait été planifié dans le cadre des grands travaux du VPK, complexe militaro-industriel d’URSS. Le VPK faisait-il parti du Gosplan « Comité d’État pour la planification » qui était en Union Soviétique l’organisme d’État chargé de définir et de planifier les objectifs économiques à atteindre créé en février 1921 ? En tout cas, le VPK planifie en 1929, le premier plan prévoyant une industrialisation rapide et une réduction importante du secteur privé de l’économie. Le complexe militaro-industriel s’inscrivait-il donc, tout naturellement dans cette institution qui devait s’écrouler d’elle-même comme cité précédemment en avril 1991 ? D’après ce que nous avons constaté le VPK semble avoir survécu à 1992.
Ce paysage historique très spécifique à l’URSS a baigné l’enfance d’Alexandre Lobanov puisque les grands travaux des barrages sur la Volga commandités par Staline dès 1930, mais dont l’exécution ne se fera qu’à partir de 1935 ont été majoritairement effectués par les prisonniers des goulags de la Volga.

Mologa noyée par le Lac de Rybinsk, avant l’aube des plus grands massacres en nombre de victimes, du XXe siècle et de tous les temps
La famille de Lobanov, quoique modeste, appartenait sans doute au groupe des koulaks, persécuté sous Staline. Le père d’Alexandre était flotteur, sur le fleuve. Dès que la famille arrive à Iaroslavl, peut-être avant 1940 mais impossible à vérifier, le père de famille sera sans aucun doute, enrôlé comme les neuf dixièmes des Russes jusqu’en 1991 dans l’Industrie d’Armement, et d’autant plus naturellement que l’URSS subissait des vagues de purges plus ou moins intenses depuis 1935 tandis que la guerre grondait déjà à l’Ouest. Aucune trace répertoriée, de la famille de Lobanov, avant la fin de l’année 1999, en dehors de l’internement d’Alexandre. En 2008, pour les besoins de notre film, nous sommes allés à Rybinsk et même à cette époque récente, aucuns locaux n’avaient eu vent de Lobanov et de ses œuvres ! Lobanov n’a pas 16 ans quand avant les années 40, nombre d’habitants de Mologa et d’autres lieux qui seront engloutis par les eaux sont évacués de force ou pas dans différents endroits de l’Oblast. Un éclairage et non des moindre est apporté en 2007, par Élisabeth GESSAT-ANSTETT qui est sur le terrain, à Rybinsk, dans le cadre de recherches pour sa thèse ! Je n’ai rencontré Élisabeth, incitée par Sophie Cœuré qu’après 2005, alors que j’allais suivre un séminaire de Sophie Cœuré à l’École Normale Supérieure de Paris la rue d’Ulm, dans la perspective de l’édition de mon livre sur Lobanov qui paraitra pour la rétrospective Alexandre Pavlovitch LOBANOV, à Lausanne, à La Collection de l’Art Brut du 16 février au 27 mai 2007.

Alexandre, l’ainé de la seconde fratrie de son père est sourd et muet à la suite d’une méningite, contractée, dit-on, avant l’âge de cinq ans. Ne pouvant plus être assumé par sa mère devenue veuve pendant la guerre, le handicap de Lobanov se doublant d’une maladie mentale, il sera interné en 1945 à Iaroslavl puis déplacé à Afonino où il décèdera le 21 avril 2003. Après une période de grande violence, qui durera presque 20 ans, de guerre lasse, autour de 1963, il se met à dessiner et peindre. En 1965 travaillant comme manutentionnaire pour Guennadi le chauffeur de l’hôpital, il ira à Iaroslavl s’y faire photographier de nombreuses fois. Un peu moins d’une 60aine de clichés ont été répertoriés. Dès 2001 une huitaine de négatifs prêtés, par mon intermédiaire au Docteur Philippe MONS ne seront jamais restitués, volontairement par ce dernier. Les séances de photographies à Iaroslavl en compagnie de Guennadi feront l’objet au cours des années, d’un vrai travail de réparation : Lobanov se met en scène au sein de ses œuvres, travaillant des cadres, qui avaient tous disparus en 2000.

En parallèle, il est surprenant de constater que les premières peintures de Lobanov, datant, sans doute, du tout début des années 60, représentent Staline et autres dirigeants qui ont fait la grandeur de l’URSS. Lobanov vit à Afonino qui n’est pas vraiment un village, mais plutôt un lieu-dit où est implanté un petit hôpital, qui s’apparenterait à un hospice comme il en existe encore chez nous dans nos campagnes reculées ou pas, où sont plus ou moins oubliés ceux, dont la différence est si difficile à vivre que les proches ne peuvent les sécuriser et donc les apaiser. Une centaine de pensionnaires, vivent du kolkhoze qui jouxte l’hôpital. Afonino, à 30 km de Iaroslavl, est un lieu grand ouvert, sans mur, sans portail. À ma dernière visite, en 2009 c’était encore le cas. Les pensionnaires allaient et venaient libres de camisole chimique car un dollar par jour c’était encore impossible. Les patients déambulaient plus ou moins vêtus, à leur gré dans le secteur fermé comme dans la maison bleue où a vécu Lobanov, accompagnés de chats qui assurent une douce et chaude compagnie tandis qu’ils chassent les rongeurs de tous poils. Cependant en 2009, les autorités locales redoutant une affluence indésirable, orchestrée par le coup de projecteur sur le peintre d’Afonino, qui avait exacerbé des convoitises souvent internationales semblaient vouloir isoler l’enceinte de l’Hôpital par un mur. Je ne sais pas si le projet a été vraiment concrétisé tandis que peu à peu le silence est retombé sur des malentendus entre Iaroslavl et moi : « Mur enfermement ou protection » titre du premier colloque conjoint SIPE – INYE en juillet 1999 !

Document2-4.jpgSalle Equitable (Communications) SAMEDI 8 DECEMBRE
9h00 à 9h30 État des lieux de l’œuvre d’Alexandre Pavlovitch LOBANOV. Dominique De
MISCAULT (France)


La FOLIE fait peur a toujours fait peur et aujourd’hui encore mais aujourd’hui pour ceux qui n’en sont pas proches ELLE RAPPORTE ! C’est comme la bombe atomique ! Une nouvelle stratégie pour les pilleurs qui drainent tout et tous dans leurs filets.klett_august_564_recto.jpg
La dernière exposition qui s’est ouverte le 17 à la Maison de Victor Hugo :
LA FOLIE EN TËTE AUX RACINES DE L’ART BRUT
16 novembre 2017 – 18 mars 2018

Mais que de confusions et que de décalages entre de vrais soignants qui ont consacré leur vie à penser et soigner les plus pauvres d’entre les pauvres, comme en témoignent ces quatre corpus et les pillards qui se jettent sur une œuvre comme celle de Lobanov (puis qu’ici il s’agit de son site, sans respect ni des personnes et de l’HISTOIRE des pays dans lesquelles elles ont été produites. Je continue à accuser cet entrisme systématique de certains depuis plus de 20 ans, dont personne n’avaient besoin pour reconnaitre la valeur d’une œuvre comme celle de Wolfli, Aloïse ou Lobanov. PLUS DE SÉRIEUX, de discernement et d’honnêteté intellectuelle et de respect élémentaire des plus pauvres sont plus que jamais nécessaires. La Folie n’est pas à glorifier, elle détruit et ne construit rien. Si l’approche de la « folie » a évolué, le grand public, par méconnaissance marginalise encore les familles de psychotique comme celles des psychotiques ou autres marginaux… Mais surtout les moyens de taire la « folie » font flores depuis 1940 mais surtout 60 dans les hôpitaux. Il n’en demeure pas moins que si on meurt moins des actes de violence qu’entraine la folie , le problème reste entier. ET l’art-thérapie n’a jamais fait des artistes et les travaux produits des œuvres artistiques au sens réel des termes. Tout est à repenser MAIS avec des gens honnêtes pas avec des titres et de l’argent qui vient de je ne sais où ! IL Y A TANT À DIRE et à faire !
DdM le 19 novembre 1917

Comme pour Entrée des médiums, en 2012, en s’ancrant dans la vie de Victor Hugo – la folie qui frappe son frère Eugène et sa fille Adèle –, l’exposition propose d’explorer la constitution d’un nouveau territoire de l’art. C’est l’occasion de présenter des collections d’œuvres d’internés constitués au cours du XIXe siècle par 4 psychiatres qui ont récupéré souvent en cachette, les œuvres des internés qu’ils suscitent parfois à des fins « d’art-thérapie ».
Ils en seront les premiers collectionneurs, les premiers « critiques », leur souci de diagnostic et d’étude s’ouvrent sur la conscience. Refusant l’imagerie de la folie et sa mise en spectacle des troubles mentaux, l’exposition entend ne montrer que l’œuvre des malades et leur rendre hommage, en tant qu’artistes, comme elle rend aussi hommage aux psychiatres. Le parcours de visite, organisé de façon chronologique à travers quatre grandes collections européennes, met en lumière les œuvres les plus anciennes et peu ou pas vues en France.
Collection Prinzhorn
Commencée dès la fin du XIXe siècle à l’hôpital psychiatrique de l’Université de Heidelberg cette collection est devenue mythique par le livre publié à partir de son étude, en 1922, par Hans Prinzhorn (1886-1933), Expressions de la Folie, qui eut une grande influence sur les artistes d’avant-garde. C’est aussi dans cette collection que les nazis ont puisé les œuvres incluses dans l’exposition d’art dégénéré en 1937.

Collection du Dr Browne
Fondé à Dumfries, en Écosse, en 1838, le Crichton Royal Hospital fut une institution pionnière en matière d’art thérapie. William A. F. Browne (1805-1885) y a réuni de 1838 à 1857 une importante collection des productions des patients, aujourd’hui conservée par les archives de Dumfries et du Galloway. Collection du Dr Auguste Marie
Très tôt, Auguste Marie (1865-1934) porta attention aux travaux des malades, encourageant à la fois leur créativité et l’activité même de collection, en particularité lorsqu’il fut en poste à Villejuif, où il est nommé en 1900. Sa collection fut dispersée, mais une partie essentielle fut acquise par Jean Dubuffet et se trouve aujourd’hui à la Collection de l’Art Brut à Lausanne.

Collection Walter Morgenthaler

Conservée au Psychiatrie-Museum de Berne, cette collection est issue de l’asile de la Waldau (die Bernische kantonale Irrenanstalt Waldau), rendu célèbre par la présence de personnalité comme Robert Walser et surtout Adolf Wölfli reconnu comme une figure tutélaire de l’Art Brut. Le Dr Walter Morgenthaler (1882-1965) dirigea l’institution de 1913 à 1920.

 

De plus en plus d’œuvres dites de Lobanov envahissent et font office d’appât !
Qu’en est-il ? Dès le début des années 2000, un plan fut mis au point en Russie même pour orchestrer les « ventes ». Les œuvres furent analysées chimiquement à Yaroslavl même. Une collusion avec le musée de l’outsider art de Moscou fut savamment élaborée et répercutée dans différentes expositions internationales, comme celle d’Helsinki en 2006.
Le prix des œuvres est bloqué depuis le début par différents marchants qui revêtent le titre de collectionneurs ou galiéristes !? Ayant participé dès son origine à la découverte et à la connaissance de cette œuvre magistrale et n’étant ni collectionneuse et encore moins marchande, je reste la seule vraie témoin en Europe de l’Ouest, les russes n’osant pas s’exprimer…
Je pense donc que des faux sont fabriqués dans l’oblast même de Yaroslavl, Lobanov étant facilement copiable et pour cause.
Il serait grand temps de redonner à l’auteur de cette œuvre étonnante sa place et le respect que nous lui devons.
J’avais proposé dès le début des années 2000 la création d’une Fondation Européano-Russe… à ce jour et malgré mes combats contre la malhonnêteté ambiante, cela a été impossible, à MON GRAND REGRET voir plus. DdM, le 2 décembre 2016


 

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Élisabeth ANSTETT
Anthropologue, chargée de recherche au CNRS
IRIS (Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux)
190 Avenue de France, 75013 Paris, FRANCE.
Tel: +33 1 49 54 21 42
Elisabeth.anstett@ehess.fr
https://iris.ehess.fr/index.php?1023
Art_brut_et_obsession-_E-_ANSTETT.pdf Art brut et obsession : Dantsig Baldaev et Alexandre Lobanov, dessinateurs


Alexandre LOBANOV n’est PAS à VENDRE 12351744_10153259638961526_1480104930_o.jpg


– LES FAUX LOBANOV en cours


Quelques souvenirs des années 2001, 2002
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Au Musée des Beaux Arts de Iaroslavl en janvier 1999

© dom de miscault Musée des beaux Arts de Iaroslavl Janvier 1999
© dom de miscault Musée des beaux Arts de Iaroslavl Janvier 1999

DONS DE MADELEINE LOMMEL A VLADIMIR GAVRILOV EN 2001

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© dom de miscault
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KATIOUCHA et ses oeuvres

© dom de miscault
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© dom de miscault

autant en emporte le vent


La barque, les canards et Lobanov

La barque de Lobanov et ses canards

 

Muse_e_e_thnographique_a_Saint-pe_tersbourg.jpg Au Musée d’Ethnographie de Saint Petersboug, cet objet populaire n’est pas sans rappeler les oeuvres d’Alexandre. Il est passionnant de retrouver avec ces objets familiers, les préoccupations et l’émotivité de chacun par delà les frontières et les dysfonctionnements du monde.
3_chasseurs.jpg44.jpg45A.jpg50a.jpg51.jpg103ABouillet.jpg

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déjà en 2009 certains, en dehors du trop petit milieu de l’art brut, étaient intéressés, par cette oeuvre magistrale mais ne se rendaient pas compte des enjeux ni des conditions malheureusement réelles, dans lesquels cette oeuvre tente d’émerger au delà de la jungle du marché dit de l’art.A-_LOBANOV_en_2009.pdf


Annonce_Elena-2.pdf

Soutenance de la thèse d’Elena Prosvetina  » Nous aussi sommes créateurs » Variations russes sur quelques « autres » de l’art (XXe – XXIe siècles)

Ecole pratique des hautes études
Mention Sciences religieuses et systèmes de pensée
Soutenance de thèse

« Nous aussi sommes créateurs ».
Variations russes sur quelques « autres » de l’art (XXe-XXIe siècles)

Elena PROSVETINA a reçu la mention très honorable, qui correspond à la mention de très grande qualité, de plus en plus rarement accordée,

– Jury :
Giordana Charuty (dr. de thèse), Michèle Coquet, Philippe Dagen, Daniel Fabre, Irina Sirotkina
Le samedi 15 décembre à 9h30.
EPHE, Bâtiment Le France, salle 114
190, Avenue de France, Paris 13e
La soutenance sera suivie d’un pot amical.
***
Cette thèse a pour point de départ une enquête ethnographique dans divers espaces culturels qui s’emploient à identifier, entre Moscou et Saint-Pétersbourg, des figures singulières de créateurs. A la tentative, finalement vouée à l’échec, de transférer à Moscou une institution de collection et d’exposition d’ « art brut », à la manière de Jean Dubuffet, s’oppose l’ampleur d’un mouvement inverse de réhabilitation sociale qui entend s’effectuer aux moyens de « l’art ». En reconstruisant les parcours des acteurs de ces diverses formes de réparation, individuelle ou collective, ce sont des trajectoires biographiques de la dernière génération soviétique, se réclamant de la figure de l’artiste « non conformiste », qui sont mises au jour.
Cette ethnographie, située au départ dans le contexte historique de la perestroika et des perplexités de la Russie post-soviétique, conduit à ressusciter la mémoire de l’une des formes qu’a prise l’extraordinaire attente que les premières années de la Révolution soviétique ont placée dans l’art, pour faire advenir un homme nouveau. Les questionnements, en Europe occidentale, sur l’origine de l’art à travers la catégorie d’ « art des fous » ou sur l’universalité de la pulsion expressive à travers l’ « activité plastique » des malades mentaux, sont, dans la Russie des années 1920, pris en charge par la toute nouvelle Académie des Sciences artistiques où psychiatres, psychanalystes, psychologues, historiens de l’art, philosophes et artistes d’avant-garde interrogent les conditions psychologiques et sociales de l’activité créatrice. Cette remontée au temps des « utopies radieuses » est nécessaire pour comprendre les transferts culturels du présent, pour mesurer leur ambivalence à l’égard de ce passé, et pour mieux comprendre les enjeux qui président aujourd’hui, entre Paris et Moscou, à l’identification de créateurs singuliers.

L’EPHE – Практическая школа высших исследований
Отделение изучения религий и систем мышления
Приглашает на защиту Еленой Просветиной диссертации
«МЫ ТОЖЕ ТВОРИМ»
Русские вариации на тему «иных» в искусстве (XX – XXI вв)
В составе жюри:
Джордана Шарюти (научн. руководитель), Мишель Коке, Филипп Дажен, Даниэль Фабр, Ирина Сироткина
Защита будет проходить в субботу 15 декабря и начнется в 9.30
в EPHE, по адресу Париж – 13-й округ, Авеню Франс, 190 – Здание Le France – аудитория 114
EPHE, salle 114 – Bâtiment Le France, 190, Avenue de France, Paris 13e.
После защиты диссертации вас приглашают на дружеский фуршет.
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Эта работа началась с этнографического исследования, которое проводилось с целью описания фигур маргинальных творцов в культурном ареале между Москвой и Санкт-Петербургом. Исследование рассматривает неудачную попытку создания в Москве – с опорой на опыт Жана Дюбюффе – институции по коллекционированию и показу предметов «ар-брют». Этой попытке противостоит широкое движение по социальной реабилитации средствами «искусства». Через описания профессиональных карьер участников этого процесса – как целых коллективов, так и отдельных людей – вскрываются биографии представителей последнего советского поколения и его знаковой фигуры – художника «нонконформиста».
Данное этнографическое исследование, которое начиналось в историческом контексте перестройки – той атмосферы неопределенности, что существовала в России в это время – привело к воскрешению памяти о первых послереволюционных годах, когда задачи воспитания нового человека и вопросы искусства казались неразрывными. Вопросы происхождения искусства и универсальности стремления к творчеству обсуждались в Европе в связи с «искусством сумасшедших» и «художественной деятельностью душевнобольных». В России в 1920-х годах создается Государственная Академия Художественных Наук, члены которой – психиатры, психоаналитики, психологи, искусствоведы, философы и художники авангарда – изучают психологические и социальные условия творческой деятельности. Такое обращение к временам «лучезарных утопий» необходимо нам, чтобы понять смысл современных культурных трансферов, чтобы оценить как их амбивалентность по отношению к прошлому, так и все те смыслы, что определяют сегодня процесс идентификации творцов иного искусства, который происходит в пространстве между Парижем и Москвой

Outsiders en Russie 2005
Ksenia Bogemskaia (1947-2010)

Sorciers, chamans, voyants, médiums, et de nombreux autres représentants des pratiques spirituelles non traditionnelles ont constamment attiré l’attention par leurs pouvoirs mystérieux d’influer sur le réel. Les Outsiders appartiennent à la même catégorie de personnes dont le travail se situe en dehors des critères des systèmes d’évaluation et de surveillance externe développés par notre société. Les mécanismes de régulation de l’insatisfaction qui mènent à la normalisation du comportement et la manipulation des personnes dans la société, génèrent un intérêt croissant pour les différents types de formation mentale individuelle, et de nombreux phénomènes culturels marginaux, y compris l’outsider art.
Les œuvres créées en dehors du courant officiel, mais qui ont été reconnues par les spécialistes, sont importantes et intéressantes non seulement pour elles-mêmes, mais aussi une occasion d’aller au-delà des systèmes de contrôle : peu importe que ce soit dans le cadre des musées, expositions ou marché de l’art en Europe occidentale, ou sous la forme d’associations d’artistes, de primes ou de la censure d’état, comme c’était le cas sous le régime soviétique.
Au début du XXe siècle, les artistes russes vivant à l’étranger comme V. Kandinsky à Munich, ou en Russie, M. Larionov et Goncharova furent parmi les premiers à s’intéresser aux créations des marginaux – enfants, autodidactes, maîtres des folklores. En 1919, à Saint-Pétersbourg a été publié après la Première Guerre mondiale, un livre de V. Markova « Negro Art », où, comme dans les autres œuvres tout à fait caractéristiques de cet auteur, il analyse la pensée artistique.
L’Art des fous est présent dans les écrits de revues prérévolutionnaires russes, où figurent nombre de reproductions qui n’ont rien à envier aux collection d’art Brut[[Петр Соляной, Заживо-погребенные//Аргус, 1913, N4.]]. Poupées fabriquées à partir de fils de sage-femme (1, p. 26) est comparable à une poupée tricotée de Katharina Dettsel, bien connue de la collection de Hans Prinzhorn. Parmi les illustrations de cet article un autoportrait de Larionov, dont le travail, comme ce fut le cas dans d’autres pays pour les artistes d’avant-garde, est associé au travail des prisonniers. (1, p. 34). Comme l’écrit dans ses mémoires, le poète Benedikt Livshits « budetlyanskogo… métaphores pour les fous a été progressivement adopté dans le langage courant » [[s. 435, budetliane en russe pour Futuristes : Benedikt Livshits. Polutoroglazy Sagittaire. Poèmes. Traductions. Souvenirs. Leningrad 1989.]]
https://www.belousenko.com/books/poetry/Lifsits_Strelec.htm

Le thème de la folie et de l’art a été mis à jour à cause de la maladie mentale du très grand artiste Mikhaïl Aleksandrovitch Vroubel. Cependant, ce sont les représentants de l’avant-garde – ces artistes et poètes, aux comportements scandaleux qui sont appelés fous sans aucune empathie.

La situation singulière de la Russie après la révolution de 1917, a contribué au développement d’idées utopiques concernant non seulement la reconstruction du monde, mais aussi des personnes. Des études étaient faites dans beaucoup de domaines y compris « l’altération humaine ». On assiste à la création de communes, où ils doivent vivre, étudier, travailler et engagés dans le travail de jeunes criminels, dont les travaux sans valeur étaient censés forger un « peuple nouveau ». Il avait également des institutions, telles que l’Institut du Nord à Leningrad, où dans des ateliers d’art des représentants des minorités du Nord, qui ne connaissaient pas les beaux-arts en tant que tels, où étaient proposé de créer des dessins et des sculptures. L’exposition de leur travail en 1929 GV Musée russe, a été soutenu par le critique bien connu N. Punin[[https://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=en&u=https://en.wikipedia.org/wiki/Nikolay_Punin&prev=search]]
article « L’art de l’image primitive et moderne », qui a insisté sur l’idée de l’influence de l’art primitif (les arts premiers) sur l’art contemporain.
En 1926, un livre a été publié par le célèbre psychiatre P. I. Karpov « Créativité chez les malades mentaux et son influence sur le développement de la science, l’art et la technologie » (Moscou-Leningrad, Etat Publishing House). Ce livre peut être considéré comme un équivalant aux œuvres célèbres de W. Morgentaler et H. Printshorn, même si, il n’y a pas d’exemples précis de la créativité folle. Toutefois, la publication de cette étude, et les exemples ci-dessus montrent que, jusqu’au début des années 1930, en Russie, il y avait un réel intérêt pour ces phénomènes, qui ont été reconnus plus tard comme l’art des outsiders.
Dès 1930, nous assistons à un tournant dangereux de l’idéologie du réalisme socialiste en URSS qui prétendait contrôler les arts dits primitifs, en démantelant tous les groupes de création et avec l’organisation de syndicats créatifs a commencé l’unification de toute activité artistique. La lutte acharnée contre « les primitifs » et ceux qui les ont étudié a commencé avec les années 1940 et a duré jusqu’au milieu des années 1980.
Cependant les artistes autodidactes ont continué d’exister, dans des conditions extrêmes, comme les camps des Goulag, comme en témoigne, par exemple, la publication des dessins E. Kersnovskoy., et les archives du musée « Mémorial ». Ce matériau est loin d’être complètement collecté et étudié, ainsi que les collections d’œuvres de malades mentaux, recueillies auprès de grands hôpitaux psychiatriques, qui ne sont pas encore facilement accessibles au public.
Les patients dans les cliniques de l’URSS vivaient dans des conditions très difficiles. Le discours officiel parlait d’art-thérapie, mais le plus souvent les patients n’avaient même pas un crayon et du papier et personnes n’osaient se plaindre.
Une exception rare fut le sort d’Eugene G. Gabrichevskogo (1893-1979) de la célèbre famille de scientifiques de Moscou. Il est né à Moscou dans une famille de microbiologistes. G. Eugène Gabritschevsky fut un éminent biologiste, il a étudié aux États-Unis, et a travaillé à l’Institut Pasteur à Paris. En 1926, suite à un épisode psychotique, il fut contraint d’arrêter ses activités scientifiques et a été placé en 1931 dans un hôpital de Munich, où il est resté jusqu’à sa mort. Il y a produit environ cinq mille dessins et peintures : Créant de mystérieux paysages, ou des compositions où figurent animaux et humains monstrueux. Le lieu de l’action est un paysage imaginaire ou le vide infini. Des dessins réalisés dans sa jeunesse annonçaient déjà sa prédisposition à l’idiosyncrasie. Il a inventé sa propre technique artistique. Son travail très suggestif, a vite attiré l’attention des amis de sa famille et ceux qui étaient sensibles aux idées surréalistes. Un article de George Limbourg voyageur et poète surréaliste qui professait la pratique des rêves dans son travail, lui est consacré dans l’album.
En 1960, son œuvre fut présentée à la galerie Alphonse Chave, qui avait déménagé à Vence sous l’influence de Jean Dubuffet et qui commença à exposer des outsiders. Les œuvres de Gabritschevsky ont été exposées en Russie dans le cadre d’expositions consacrées à son frère – historien de l’art G. Gabrichevsky .
La période après la Seconde Guerre mondiale, si importante pour l’art Brut en France, a été marquée en URSS par des persécutions de poètes, compositeurs et artistes et même de médecins jusqu’en 1953, date de la mort de Staline. Dans cette situation, les représentants de ces professions ne pouvaient pas se livrer à des activités similaires aux collectionneurs d’art Brut en Europe.
C’est seulement la première glasnost en URSS au milieu des années 1950 qui a rendu possible l’émergence d’un art non-officiel ou souterrain/underground tel le travail de Vladimir Yakovlev (1934-1988), un autodidacte à la santé mentale fragile qui a beaucoup dessiné, des portraits et des fleurs « solitaires », qui ont été appréciés par les représentants d’un art radical. L’ensemble des œuvres underground de Yakovlev, a été reconnu en Russie dans le cadre de cette période, bien que le style de ses œuvres, et la façon dont elles sont traitées, pourraient bien être inclus dans l’art dit Brut – concept, jusqu’à récemment, quasi inconnu en Russie.
Alexandre P. Lobanov, selon des collectionneurs étrangers est le représentant le plus intéressant de l’art brut russe, il ne ne ressemble en rien aux « bruts » étrangers à la Russie. La plupart de ses œuvres sont proches de l’imaginaire surréaliste avec des métaphores, qui provoquent chez le spectateur des « tensions » qui sont aussi l’expression intérieure de l’auteur. L’amour des armes, attaché au travail Lobanov y jette une ombre « militariste », mais force est de constater que ses travaux ont la fraicheur de l’affiche de propagande qui font de cet artiste un représentant caractéristique de l’ex-Union soviétique. La naïveté de ses œuvres fait appel à des sources facilement détectables. Lobanov a été d’autant plus facilement reconnu par les spécialistes étrangers de l’art-BRUT qu’ils étaient déjà préparés par des œuvres telles que celles de Willem van Genk (Lausanne à la Collection de l’Art Brut) ou August Walla, complètement inconnues par 50 ans de régime soviétique.

Nombre d’artistes russes sont souvent classés non pas en tant qu’outsiders, mais comme naïfs. Toutefois, une comparaison de leur personnalité et de leur art avec les échantillons « de référence » « naïfs » – Grandma Moses ou artistes de Croatie – démontre que ce terme est compris dans la pratique artistique russe comme très proche de celle reconnue à l’extérieur de la Russie appelée Brut. Il y a une plante ornementale dans une œuvre de Romanenkov primée à la Triennale de Bratislava, qui rappelle un travail d’Adolf Wölfli, mais aussi les grands panneaux colorés de Pavel Leonov (souvent non peints sur de la toile mais sur le tissu des matelas ou des sacs à grain). Il ne faut pas confondre les œuvres de Leonov avec les œuvres de Narisovanna qui ne sont pas colorées. Leonov peint directement avec un pinceau sur des « toiles » clouées sur les parois extérieures de sa maison ou de son appentis. Ses sujets sont du ressort de l’appel soviétique alternant entre les activités sportives, la gloire de Lénine ou d’autres héros et ses propres souvenirs, alors qu’il passait sa vie à errer de chantiers en chantiers et de lieux de détention en lieux de détentions dans la grande Union soviétique. Ce qui n’est pas sans évoquer les aventures sans fin et irréelles des sœurs de Henry Darger, qu’il accompagnait d’un texte de plusieurs pages ; les œuvres de Leonov contiennent souvent des écrits qui sont de véritables histoires qui parfois, se poursuivent sur un morceau de papier. Les héros de l’aventure fantastique Leonov c’est lui-même en général et sa femme, Zina, les collectionneurs de ses peintures, les célèbres poètes et généraux russes. Sources iconographiques pour qu’il avait des photos dans les journaux, des calendriers et des dessins dans les manuels scolaires. En gros son intérêt pour tout ce qui relève de l’armée est comparable à Lobanov : des fusils, et des avions, des chars, des navires de guerre.
Romanenkov, lui, réalise des tracés minces à la mine de plomb, des compositions strictement symétriques, loin de l’agitation du monde. Il peint les personnages qui sont généralement assez clairs pour lui seul, des pensées et les conversations des gens dans un ornement crypté, leurs vêtements et masques, et des symboles, qui sont les âmes des morts coexistant avec les vivants. Contrairement à Lobanov, Romanenkov et Leonov, et d’autres artistes russes ne sont pas des patients psychiatriques, bien que leur apparence et leur style de vie soient assez voisins. Bien sûr, ils sont des outsiders dans le vrai sens du terme anglais, donc il y a la société, et les traditions culturelles. L’art des outsiders est un mouvement international, qui ne doit pas son existence aux auteurs ou artistes mais à ceux qui les ont étudié et collectionné.
En Russie, nous ne possédons pas encore de tels spécialistes, car nous nous avons été coupé de ces informations depuis des décennies, et maintenant nous sommes encore loin de pouvoir présenter et organiser des expositions et recueillir des informations telles qu’on peut en trouver dans Raw Vision.
L’introduction d’artistes russes dans les grandes expositions internationales est entravé par le fait que l’environnement russe est encore trop loin de celui des occidentaux. Pour ceux qui cherchent à faire en sorte que l’Outsider Art prennent une place digne dans la culture du monde moderne est une tâche difficile : Il s’agirait de créer un véritable champ d’études qui collecterait les valeurs et les concepts, interpréterait les pratiques artistiques aussi bien dans les pays dits démocratiques que les pays totalitaires et post-totalitaires.


dans le cadre de l’exposition d’art naïf russe contemporain qui a lieu du 18 août au 11 septembre 2011 à Tsaritsyno 20 oeuvres de Lobanov sont exposées.
– Présentation du catalogue d’Alexandre Lobanov par Dominique de Miscault, le 8 septembre 2011 à 18 h à Tsaritsyno, Moscou (Russie)


26 février 2011

Diplôme d’Université Art-Thérapies

Durée de la formation : 2 années universitaires (532 heures)
Date de recrutement : septembre 2010 à mai 2011
Date de fin de la formation : juin 2013
Date de démarrage de la formation : septembre 2011

Lieu : Service de la Formation Continue – Université Toulouse II-Le Mirail

Université de Toulouse II – Le Mirail – Service de la Formation Continue
5 Allées Antonio Machado – 31058 Toulouse Cedex 9
Tél. 05 61 50 44 01

Fax. 05 61 50 49 62
Mail : cuppa@univ-tlse2.fr


Lobanov est vendu aux enchères chez TAJAN, en octobre 2010. Les œuvres du catalogue sont presque exclusivement celle de Monsieur Decharme qui n’a pas voulu se frotter à d’autres collectionneurs « faibles » à ses yeux !
le N° 113 ne s’est pas vendu & le N° 114 vendu à 3570 €

– Je suis plus qu’étonnée de la Provenance :
Collection Alexandre Gavrilov, Yaroslav, Russie <img224|left> !!!! Un manque de rigueur et d’authenticité préjudiciable au grand collectionneur et cette prestigieuse maison ! Tout cela est assez significatif des buts poursuivis, qui font fi de l’honnêteté la plus élémentaire. Dominique de Miscault

 


 

Le LAM est ouvert depuis le 21 septembre 2010

 

– Cela faisait plus de trois ans que le Musée de Villeneuve d’Ascq se préparait à donner sa place à la collection de l’ARACINE dans des locaux conçus à cet effet.
Madeleine Lommel n’a pas pu attendre, elle s’est éteinte épuisée par son combat à un bel âge néanmoins !
L’inauguration des magnifiques locaux s’est déroulée pendant plusieurs jours mais pour le premier jour de l’automne sous un soleil printanier, plus de 1500 personnes étaient réunies sous la férule de Martine Aubry !

J’insiste encore une fois sur tout ce que nous devons à Madeleine Lommel pour ce qui concerne Lobanov. Elle fut la première à détecter la valeur de cette œuvre que j’avais fait venir de Iaroslavl pour le Jubilé de la psychiatrie, au Palais des Congrès de Paris en juin 2000.
Depuis lors et jusqu’à sa mort, nous n’avons eu de cesse de rétablir les faits face à la « rapacité » ambiante ! afin que cette authentique œuvre d’Art Brut ne soit pas disséminée. Malheureusement le statut de ces œuvres n’est pas encore adaptée à notre époque mercantile et bien trop d’individus n’ont aucun intérêt à ce que la situation soit clarifie et de ce fait continuent à profiter de ces patients hors norme et de leur entourage proche qui se consacre à eux corps et âme. Je ne suis pas aigre, je ne décolère plus depuis des années !Dominique de Miscault


Аутсайдеры в России 2005

Ксения Богемская (1947-2010

 

Колдуны, шаманы, ясновидцы, медиумы и многие другие представители нетрадиционных духовных практик постоянно привлекают внимание своими загадочными способностями, особым умением воздействовать на реальность. Аутсайдеры принадлежат к той же категории людей, чья деятельность лежит вне критериев оценки и систем контроля извне, которые выработаны нашим обществом. Именно неудовлетворенность механизмами регулирования, которые в обществе ведут к стандартизации поведения и манипулированию людьми, порождает растущий интерес к различным видам индивидуального психического тренинга, и ко многим культурным явлениям маргинального характера, в том числе к искусству аутсайдеров.
Произведения, созданные вне мейнстрима, но получившие признание на уровне элитарного художественного вкуса, важны и интересны не только сами по себе, но и как возможность выхода за пределы системы контроля и регулирования: неважно представлена ли она в виде музеев, выставок и художественного рынка, как в Западной Европе, или в виде творческих союзов, премий и государственной цензуры , как это было при советском режиме в России.
В начале XX века русские художники, жившие за границей, как В.Кандинский в Мюнхене, или в России, как М. Ларионов и Н.Гончарова, были среди первых, кто заинтересовался маргинальными видами творчества – детьми, самоучками, мастерами народных картинок. В 1919 г. в Петрограде была опубликована написанная еще до первой мировой войны книга В.Маркова «Искусство негров», где, как в других работах этого автора анализировались особенности художественного мышления примитива.
Искусство сумасшедших как тема фигурировала на страницах русских дореволюционных журналов, где даже помещались репродукции с рисунков, которые могли бы сделать честь любому собранию ар брют (1). Кукла, сделанная из ниток пациенткой акушеркой(1,с.26) вполне сопоставима с вязаной куклой Катарины Детцель, известной по фотографии из архива коллекции Принцхорна. Среди иллюстраций к одной из статей помещена репродукция с автопортрета М.Ларионова, творчество которого, как это было и в других странах с мастерами авангарда, сопоставляется с творчеством сумасшедших. (1, с.34). Как пишет в своих мемуарах поэт Бенедикт Лившиц , «звание безумца… из метафоры постепенно превратилось в постоянную графу будетлянского паспорта» (2, с.434, будетлянами называли в России футуристов). https://www.belousenko.com/books/poetry/Lifsits_Strelec.htm
Тема безумия и искусства была актуализирована душевным заболеванием крупнейшего художника Михаила Врубеля, который в провел в клинике для душевнобольных. Однако именно представителей авангарда – художников и поэтов, отличавшихся эпатажным поведением, называли сумасшедшими без всякого сочувствия.

Особая ситуация, сложившаяся в России после революции 1917 г., способствовала развитию утопических идей не только переустройства мира, но и человека. Проекты «переделки человека» охватывали различные области. Это было и создание Коммун, где жили , учились, работали и занимались творчеством молодые уголовники, из которых, как из самого негодного материала предполагалось выковать «новых людей». Это были и такие учебные заведения, как Институт народов Севера в Ленинграде, где в художественной студии представителям малых народов Севера, никогда не знавшим изобразительного искусства как такового, предлагалось создавать рисунки и скульптуры. Выставка их работ в 1929 г.в Русском музее, была поддержана статьей известного критика Н.Пунина «Искусство примитива и современный рисунок», в которой подчеркивалась идея влияния примитива на современное искусство. (3)
В 1926 году была опубликована книга известного психиатра П.И.Карпова «Творчество душевнобольных и его влияние на развитие науки, искусства и техники» (Москва-Ленинград, Госиздат)
Эта книга может рассматриваться как параллель к знаменитым трудам В. Моргенталера и Х.Принцхорна, хотя в ней нет конкретных примеров творчества душевнобольных. Однако и публикация этого исследования, и вышеприведенные примеры свидетельствуют о том, что вплоть до начала 1930-х гг. в России существовал интерес к различным аспектам того феномена, который позднее стали называть искусством аутсайдеров.
Опасную неподконтрольность примитива как типа художественного творчества осознавали идеологи социалистического реализма в СССР, когда в 1930-е годы началось ужесточение режима, были распущены все творческие группировки и с помощью организации творческих союзов началась унификация всей художественной деятельности.
Ожесточенная борьба с примитивом и теми, кто его изучал , началась с 1940-х годов и продолжалась вплоть до середины 1980-х гг.
Тем не менее творчество художников-самоучек продолжало существовать , причем даже в таких тяжелых условиях, как лагеря ГУЛАГа, о чем свидетельствует, например, публикация рисунков Е.Керсновской. (4), и произведения , хранящиеся в Музее общества «Мемориал». Этот материал далеко еще не собран и не изучен, также, как и коллекции работ душевнобольных, собранные при крупных психиатрических клиниках, которые до сих пор остаются труднодоступны для обозрения.
Пациенты клиник в СССР содержались в тяжелых условиях, речи не было не только об арт-терапии, но даже зачастую о карандашах и бумаге, которые не раздавались больным, дабы они не писали жалоб в высшие инстанции.
Редким исключением была судьба выходца из известной семьи московских ученых Евгения Георгиевича Габричевского (1893-1979) Он родился в Москве в семье ученого микробиолога Г. Габричевского, его брат- историк искусства А. Г. Габричевский. Сам по специальности биолог, он учился в США, работал в Институте Пастера в Париже. В 1926г. в результате душевного заболевания был вынужден прекратить научную деятельность и был помещен в 1931 г. в лечебницу в Мюнхене, где оставался до конца своих дней. За это время он создал около пяти тысяч рисунков и картин. Он создавал загадочные пейзажи, композиции с монстрообразными человеческими фигурами и зверями. Местом действия был пейзаж или некое воображаемое театральное пространство, или бесконечная пустота космоса. Сохранились его рисунки, сделанные в молодости, где уже намечается своеобразный характер его личности. Он использовал различные нетрадиционные или им самим изобретенные художественные техники. Его творчество , обладающее огромной суггестивной силой, привлекало внимание друзей его семьи, и тех, кто был чувствителен к сюрреалистическим идеям в искусстве. Статью в посвященном ему альбоме ( 6.) написал Жорж Лембур, путешественник и поэт-сюрреалист, исповедовавший практику сновидений в своем творчестве.
В 1960-е гг. его работы показывал в своей галерее в Вансе Альфонс Шаве, который под влиянием переехавшего в Ванс Жана Дюбюффе стал делать выставки аутсайдеров. Работы Габричевского выставлялись в России в составе экспозиций, посвященных его брату – историку искусства Александру Георгиевичу (5).
Период после второй мировой войны, столь важный для ар брют во Франции, в СССР был отмечен гонениями на поэтов, композиторов и художников, а перед концом периода правления Сталина – и на врачей. В этой ситуации представители этих профессий никак не могли вести деятельность, аналогичную собирателям ар брют в Европе.
Лишь после «оттепели» середины 1950-х гг.в СССР стало возможным появление неофициального искусства – андерграунда. В рамках этого художественного подполья развивалось творчество Владимира Яковлева ( 1934-1988), художника-самоучки, обладавшего болезненным психическим складом и создавших много листов, в основном портретов и изображений отдельных цветков, которые ценили представители радикального искусства. Вместе со всем корпусом произведений андерграунда творчество Яковлева получило признание в России, как часть этого явления, хотя и по стилю его произведений, и по способу их создания он вполне может причисляться к представителям ар брют – понятия, до недавнего времени в России почти неизвестного.
Судьба Александра Лобанова, по мнению зарубежных коллекционеров являющегося наиболее интересным представителем искусства аутсайдеров в России, не схожа с историями зарубежных аутсайдеров. Многие образы его произведений, близкие воображению сюрреалистов, представляются образованному любителю искусства многозначительными метафорами, в выражениях лиц, рисунке отдельных предметов есть будоражащая зрителя напряженность, внутренняя экспрессия. Любовь к изображению оружия, придающая работам Лобанова «милитаристский» оттенок, а также похожая на четкость агитационно-плакатных материалов манера рисунка, сделали этого художника характерным представителем нашего аутсайдерства, так как военная атрибутика и «агитационная» прямота были легко понятными знаками происхождения этих работ из бывшего Советского Союза. Лобанов был воспринят зарубежными поклонниками ар-брют, уже подготовленными к этому благодаря таким произведениям как 50 лет СССР» Виллема Ван Генка( Лозанна, Коллекция Ар Брют) и кириллице работ Аугуста Валла.
Других художников России рассматривают чаще не как аутсайдеров, а как наивных. Однако сопоставление их личности и их искусства с «эталонными» образцами «наивного» – бабушкой Мозес или художниками из Хорватии – показывает, что под этим термином в России подразумевается художественная практика, более близкая к тому, что за пределами России называют ар брют . Речь идет об орнаментальных графических листах Романенкова напомнивших жюри Триеннале в Братиславе заполненные плоскости листов А.Вёльфли ,а также о громадных живописных панно ( порой написанных не на холсте, а на матрасной ткани или распоротых мешках из-под зерна) работы Павла Леонова. Никакой тщательной нарисованности, никакой раскраски нет в его работах. Фигуры и лица художник писал сразу кистью на полотне, прибитом к наружной стене сарая. Список его сюжетов – это чередование советских призывов заниматься спортом, прославлять Ленина , других героев и воспоминаний о собственной жизни , которую он провел, скитаясь по стройкам и местам заключения всего огромного СССР.
Бесконечные приключения сестер в царстве нереального, созданном в листах Генри Дарджера , сопровождались многостраничным текстом. Картины Леонова часто содержали подписи, превращавшиеся в целые рассказы, порой имевшие продолжения на клочке бумаги. Героями фантастических приключений Леонова как правило выступает он сам, его жена Зина, а также коллекционеры его картин, известные русские поэты и полководцы. Иконографическим источником для него служили фотографии в газетах, рисунки в календарях и школьных учебниках.
По большому интересу к военным сюжетам Леонов вполне сопоставим с Лобановым, но только изображал он не ружья, а самолеты, танки, военные корабли.
Романенков в своих нарисованных тонким карандашом застылых строго симметричных композициях далек от суеты мира. Он изображает символы, обычно понятные ему одному, мысли и разговоры людей, зашифрованные в орнаменте их одежды, а также маски и символы, означающие души умерших людей, которые соседствуют с живыми.
В отличие от Лобанова, и Романенков, и Леонов, и другие подобные им русские художники, не были пациентами психиатров, хотя их облик и образ жизни казались окружающим странными. Они, конечно, являются аутсайдерами в прямом смысле этого англоязычного термина, так существуют вне общества и вне культурных традиций.
Особенность искусства аутсайдеров в том, что как международное движение оно формировалось не художниками, а теми, кто его изучал и коллекционировал.
В России таких специалистов не было на протяжении десятилетий, и сейчас мы остаемся далеки от основных событий , довольствуясь информацией в Raw Vision.
Включению русских художников в интернациональную выставочную жизнь препятствует то, что контексты изучения и продвижения искусства аутсайдеров в России и в Европе остаются пока весьма несхожими. Перед теми, кто стремится к тому, чтобы искусство аутсайдеров заняло достойное место в современной мировой культуре стоит сложная задача: это создание такого поля значений и понятий, в котором могут быть интерпретированы художественные практики, типичные как для демократических, так и для тоталитарных и посттоталитарных стран.

Литература
1. Петр Соляной, Заживо-погребенные//Аргус, 1913,N4.
2.Бенедикт Лившиц. Полутороглазый стрелец. Стихотворения. Переводы. Воспоминания. Ленинград, 1989.
3.Н. Пунин,Искусство примитива и современный рисунок//Искусство народностей Сибири. Издание Государственного Русского музея.Ленинград:,1930.
4. Евфросиния Керсновская. Наскальная живопись./Вступит.статья, составление В.Н.Вигилянский/ М.,СП «Квадрат»,1991
5 Александр Георгиевич Габричевский, Мир мыслителя и художника Москва, Государственная Третьяковская галерея,1992.
6 Die Innere Gesichte Eugen Gabrichevskys. O. P.,O.J.;


En 2004, nous en étions aux prémices de l’étude des oeuvres de Lobanov.
J’avais demandé à JC de miscault, ce qu’il en pensait.
Nous allions depuis 1992 en Russie de façons intensive et interressante à bien des points de vue et la confrontation était chaleureuse et fructueuse. Mais à partir de juillet 1999, c’était sans compter avec les mensonges de Vladimir Gavrilov qui n’était évidemment pas psychiatre et encore moins Professeur mais chargé de certains cours à l’Académie de médecine de Yaroslavl, nous sommes descendus de très haut en assistant en parallèle à la montée de Poutin ! Nous avions aussi sous évalué le goût immodéré pour le gain immédiat de ces derniers (Gavrilov et son entourage de l’époque comme des « dealers » européens déguisés en collectionneurs à partir de juillet 2000) qui ont inversé la trajectoire qui aurait du être suivie en ce qui concerne l’œuvre de Lobanov. Comme disait Ksenia Bogenskaia, nous avions tout fait à l’envers ! Cette oeuvre étant une authentique œuvre d’Art Brut, qui aurait méritée respect et protection. Je suis une témoin malheureuse de ces dérapages…

Dom de Miscault 2016

LOBANOV 2004  JCdM colloque_SIPE_GENEVE.pdf

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